Butembo : Les activités socioéconomiques mises à l’épreuve par la dégradation du climat sécuritaire au Nord de la ville (reportage)

La ville de Butembo, dans la province du Nord-Kivu reconnue pour son autonomie commerciale, sombre petit à petit dans un climat sécuritaire moins rassurant pour les affaires. Ce lundi 5 décembre, après de nouvelles tensions rapportées vendredi 2 décembre au Nord de cette ville, dans le quartier Congo Yasika, les activités socioéconomiques ont repris leur évolution normale au sein de plusieurs secteurs de la vie locale. Des manifestations populaires improvisées, des attaques contre les positions des FARDC (Forces Armées de la République Démocratique du Congo) et des altercations entre outils de sécurité et civils s’accentuent dans ville, plus dans sa partie Nord. Néanmoins, cette situation ne passe pas sans conséquences dans le secteur commercial, entrepreneurial et éducatif local.

Au marché central de Butembo, des vendeuses des produits de première nécessité décrient le manque à gagner leur imposer par la dégradation du climat sécuritaire dans la ville, où la nuit et le jour ne passe sans entendre des coups de feu. Kahindo Mwenge, vendeuse de la totale déplore d’énormes pertes dans son commerce suite aux multiples altercations entre outils de sécurité et populations civiles qui conduisent régulièrement à la paralysie des activités socioéconomiques. Elle parle des tomates qui pourrissent sur son étalage faute de clientèle.

« Nous éprouvons maintenant des difficultés. C’est difficile de se rendre en ville et mener ses activités quand ça crépite dans la ville, à Furu et ailleurs de ce côté-là. C’est toute la ville qui est dérangée. Je viens de compter plusieurs tomates gâtées depuis la semaine passée. Nous, notre commerce de fait pour chaque jour et ce sont les recettes de chaque jour qui nourrissent nos familles », a-t-elle déploré de vive voix.


Même situation du côté des conducteurs des motos taxis qui peinent à maximiser leurs recettes journalières. Nombreux d’entre eux décident de suspendre tout mouvement de transport des personnes et des biens lors des crépitements des balles, que ce soit au cours des manifestants populaires ou des altercations entre population et outils de sécurité.

« Nous vivons comme des déplacés dans cette ville. C’est vrai, nous avons la paix, c’est pourquoi nous demandons à nos autorités de nous ramener la paix, qu’elles nous aident vraiment. Nous avons des conventions avec nos patrons (propriétaires des motos, ndlr), ils nous demandent des recettes chaque semaine, mais à cause de la situation de la ville, nous ne parvenons pas à réunir le montant demandé », s’est plaint Jonas Mukombolewa, un conducteur de moto-taxi en ville de Butembo.

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Les commerçants et autres entrepreneurs du centre tout comme des environs de Butembo, sont affectés par cette situation de crise permanente dans la ville. Kavira Kingi Florence tient une boutique sur la rue Kinshasa au centre-ville. Celle-ci fait observer d’énormes risques de perte des marchandises au cours de différentes débandades faisant suite aux altercations entre les habitants avec la Police soit l’armée.

« Quand ça crepite en ville, nous courons dans tous les sens. Nous risquons même des blessures et nous manquons quoi faire. Nous arrêtons toutes les activités et c’est la crise qui nous tient fort. Parfois, il est difficile même de reprendre toutes la marchandises installées dehors. On nous expose à des pertes », a-t-elle expliqué.

À Furu, une cellule du quartier Congo Ya Sika, à la sortie Nord de la ville de Butembo, des cafétérias, restaurants et des hôtels éprouvent des difficultés à fonctionner. Aux heures de la soirée, sont moins nombreux les habitants qui affluent vers ces établissements, craignant pour leur sécurité.

« Vraiment, la situation sécuritaire de la ville de Butembo fait peur. Des troubles viennent de partout. De notre côté, nous déplorons vivement la situation. Le crépitement des balles limite nos activités et nous ne recevons plus la même clientèle comme avant. Ceux qui venaient régulièrement pour boire ici ou s’amuser ne viennent plus suite à l’insécurité. Les militaires sont là nombreux et tout monde panique », a expliqué Ismaël Sebo Sadam, gérant d’un Restau-bar à l’hôtel Classic, situé non du parking La Victoire, au Nord de Butembo.

Les milieux scolaires également touchés

Le même climat de perturbation d’activité a embrasé les milieux scolaires. À chaque mouvement de soulèvement populaire ou de manifestation publique, les enfants sont chassés des écoles, des vitres sont cassées et des blessés et des morts sont comptés dans les rangs des apprenants. Le parlement d’enfants Butembo-Lubero, s’est lancée dans la lutte contre cette pratique qui obstrue l’évolution normale des activités scolaires. En mi-novembre dernier, cette structure d’encadrement d’enfants a sensibilisé les éléments de la Police nationale congolaise, PNC-Commissariat urbain de Butembo, sur la nécessité de la protection de l’enfant lors des manifestations publiques.

La même campagne a été élargie aux organisateurs des manifestations publiques à Butembo. Vendredi 4 novembre, au cours d’un dialogue social entre couches sociales, autorité urbaine et responsables urbains de l’armée et la Police, des acteurs des mouvements citoyens et groupes de pression avaient été conscientisés sur la nécessité de préserver les établissements scolaires de tout débordement des actions de la rue. Néanmoins, la situation est restée inchangée. À Butembo, les écoles demeurent la cible principale des manifestants pour parvenir à leurs fins.

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Des positions militaires cibles des attaques rebelles

Pendant ce temps, des positions militaires sont de plus en plus la cible des attaques des présumés miliciens Maï-Maï. Ces attaques sont plus signalées dans les communes de Vulamba et Bulengera. Dans les mêmes communes, des violons peinent à s’accorder entre les habitants et les autorités de la ville suite aux positions militaires installées au sein de certains quartiers, en plein milieu de la population. Cette situation fait également objet d’une crise de collaboration entre autorités, outils de sécurité et populations civiles.

Des meurtres des civils d’un côté, des attaques armées contre les éléments de la Police et des FARDC de l’autre côté, dégradent le climat sécuritaire de Butembo, vouant ainsi des milliers d’habitants à une psychose permanente. L’aumônerie militaire garnison ecclésiastique de Butembo a organisé vendredi 18 novembre un culte de pardon pour, dit-elle, rétablir le climat « de confiance et de compréhension mutuelle » entre l’armée et la population civile. Ce culte est intervenu après qu’un militaire a été condamné à mort pour meurtre d’un enfant par l’auditorat militaire garnison de Butembo-Lubero.

Pour l’instant, des acteurs locaux de la société civile s’activent aux côtés des autorités compétentes pour tenter de rétablir le calme dans la ville. Mercredi 30 novembre dernier, l’armée et la Police ont mené une opération de bouclage sécuritaire dans les quartiers Congo Ya Sika et Mukalangirwa, au nord de la ville pour dénicher des « personnes suspectes » qui seraient impliquées dans les actes d’insécurité au travers de la ville. Toutefois, cette opération s’est fait accompagner des dérapages. Ceci, a, à nouveau, contraint les acteurs de la société civile à des déclarations de dénonciation « des tracasseries militaires et policières » contre les populations civiles. Entre-temps, les appels au raffermissement du mariage civilo-militaire se multiplient pour appeler, et la population, et l’armée, à une franche collaboration et au bannissement de tout acte susceptible de compromettre la voie de l’unisson entre les deux parties.

Didy Vitava

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