D. Tshiyoyo : « Le ministre des finances a bien martelé qu’il s’agissait d’un premier décaissement qui a eu lieu après ma sortie » (Interview)

Écarté du comité d’organisation des 9èmes jeux de la francophonie il y a quelques mois, Didier Tshiyoyo a accordé une interview exclusive à ACTU7. Lors de cet entretien, le désormais ex haut représentant du chef de l’État au comité national des 9es jeux de la francophonie, a répondu à toutes les questions qui alimentent le débat au sein de l’opinion concernant ce rendez-vous de haute facture.

Ci-dessous l’interview

ACTU7 : Didier Tshiyoyo bonjour ! Vous avez passé près d’une année à la tête du comité d’organisation des 9es jeux de la francophonie. Après votre départ, à quel niveau se trouvent les préparatifs ?


DT : Bonjour et merci pour l’opportunité que vous nous donnez d’utiliser la plateforme de Actu7.cd pour donner notre version des faits, au vu des faussetés qui circulent dans les réseaux sociaux, concernant les retards dans les préparatifs des 9es jeux de la francophonie à Kinshasa em 2022.
Je demande votre indulgence mais, pour que mes réponses à cet interview soient bien comprises, il me faut tout d’abord donner le contexte dans lequel elles s’insèrent.
La RDC a remporté l’organisation des 9es jeux de la francophonie en 2019; les préparatifs de ces jeux avaient été confiés à un Comité de pilotage, chapeauté par Maitre Pépin Guillaume Manjolo, à l’époque Ministre de la Coopération Internationale et intégration.
Madame Zeina Mina, Directrice du Comité International des jeux de la francophonie ayant constaté une stagnation dans l’évolution des préparatifs des 9es jeux, avait jugé opportun de rencontrer le Chef de l’État, Son Excéllence Monsieur Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, Président de la République du Congo, pour lui faire part de cette constatation.
C’est ainsi que par son Ordonnance nº 21/005 du 14 Février 2021, il plaira au Chef de l’État de nommer son Haut Représentant aux 9es jeux de la francophonie pour présider un Comité National des jeux de la francophonie, en le plaçant sous le contrôle direct de son cabinet, afin de veiller à ce que les 9es jeux de la francophonie soient organisés dignement et en conformité avec sa vision d’excéllence dans la projection de la RDC et de son peuple.
Ce fût donc un immense honneur que son choix se fûsse porté sur ma modeste personne pour accomplir cette mission; chose à laquelle je me suis attelé avec ferveur du 14 Février au 22 Octobre 2021 pour un total de 8 mois et 8 jours.

Respectivement l’ordonnance présidentielle nº 21/004 qui crée le Comité National des Jeux de la francophonie (CNJF) et l’ordonnance nº 21/023 qui le modifie et le complète en donne aussi la mouture organisationnelle et la structure interne. Le CNJF est composé de 3 organes, chacun d’eux avec des prérogatives singulières dans la réalisation des préparatifs des 9es jeux de la francophonie.
Il y a:
1. le Haut Conseil des jeux, présidé par le Haut Représentant du Chef de l’État et comportant 23 membres du Gouvernement plus des conseillers du Président de la RDC;
2. la Direction Nationale des jeux, placée sous un Directeur National des Jeux et ses Adjoints;
3. les Commissions des experts, placées sous la Direction Nationale des Jeux.

Aux 3 organes précités, se rajoute un Comité d’Accompagnement, composé des Ministres sectoriels.

La réponse à votre question affecte donc plusieurs organes, sur plusieurs volets notamment le volet politique, le volet financier, Le volet opérationnel et technique et le volet portant sur les infrastructures.
Chacun des organes précités est donc responsable d’un ou de fractions de plusieurs volets, et comme vous pourrez aisément le comprendre, dans un tel projet d’équipe, l’action ou l’inaction d’un acteur influence le rendu général.

En ce qui me concerne, en tant que Président du Haut Conseil du CNJF, lors de ma sortie, j’avais à mon actif un bilan marqué par 5 points majeurs :

1. Une Direction Nationale exécutive des jeux composée de professionels hautement qualifiés et compétents pour la tâche et dans leurs domaines respectifs;
2. Des Commissions spécialisées composées d’experts dont la présentation de leur travail le 28 Avril 2021 devant le Conseil d’Orientation de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) avait fait revivre tous les espoirs des experts du Comité International des Jeux de la francophonie, qui avaient qualifiés la presentation des plans opérationnels et d’exécution , je cite, “de très haute qualité”;
3. Des constructeurs ayant acceptés d’accompagner le CNJF en relevant ce grand défi de la RDC et du Chef de l’État en préfinançant les travaux de construction sans aucune garantie du Gouvernement Congolais ; est de se souvenir qu’à cette époque, le Gouvernement était encore entrain d’être composé dans l’Union Sacrée. Le début de ces travaux avait fait que les 9es jeux de la francophonie fûssent maintenus en RDC car, au sortir du Conseil d’Orientation du 28 Avril 2021, parmi les recommandations du Comité International des jeux de la francophonie figurait une descente sur terrain des Ambassadeurs des pays francophones pour confirmer avant le 31 Mai 2021 que les travaux de constructions avaient réellement débutés et avançaient à bonne allure;
4. Sur le plan financier, le Haut Conseil du CNJF n’avait reçu aucun décaissement du Trésor Publique pour la construction/renovation des infrastructures sportives et culturelles;
5. Sur le plan financier, la Direction Nationale des Jeux n’avait reçu aucun décaissement du Trésor Publique pour faire face aux divers frais de fonctionnement du Comité National des jeux de la francophonie pour servir à la promotion et à la logistique des préparatifs des 9es jeux de la francophonie. Sur 8 mois de salaires dûs aux collaborateurs, 5 mois ont été payés, desquels 4 mois par décaissement du Trésor Public, et cela quasi vers la fin de l’exercice de la Direction Nationale des jeux.

Voici donc en court notre bilan au sortir du CNJF le 22 Octobre 2021.

ACTU7 : Avant votre nomination, il y avait déjà un comité qui a travaillé. Pouvez-vous nous expliquer en peu de mots ce qui a été fait par ceux qui vous ont précédés et ce que vous vous avez fait?

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DT : Pour ce qui s’est passé avant ma nomination, comme vous le faites avec moi, il serait opportun de demander aux concernés ce qu’il en était pour plus de détails et leur propre version des faits. Toutefois, ce que je peux dire est que sur le plan financier, ce Comité de pilotage sortant avait accumulé des arriérés de salaires de l’ordre de près de … mois et devait être audité pour près des dépenses de l’ordree d’environ $ 960.000 qu’ils avaient perçu du Trésor Publique. Le Haut Conseil que je présidais a pris soin de remettre ce dossier aux autorités compétentes bénéficiant du mandat d’en faire le suivi administratif, aussi du fait que le Comité International des jeux de la francophonie demandaient avec insistance un compte-rendu des finances de ce Comité de pilotage, sur le principe de la continuité de l’État.

ACTU7 : Des doutes s’installent. Des congolais s’inquiètent. Est ce que les jeux de la francophonie auront vraiment lieu au mois d’août en RDC?

DT : Je comprends les raisons qui poussent les congolais à s’inquiéter, ce serait anormal de ne pas le comprendre au vu des retards qui se sont accumulés dans ce processus; seulement, je demande aux Congolais de rester confiants et mobilisés derrière ce projet d’une importance capitale pour nôtre pays la RDC. C’est donc avec beaucoup de satisfaction que j’ai eu à suivre l’allocution du Ministre des Finances, Monsieur Nicolas Kazadi et de l’entendre, au cours de la conférence de presse conjointe tenu le 07 Janvier 2022, confirmer que le premier décaissement pour la construction des infrastructures em vu des 9es jeux venait d’être débloqué et exécuté et que de surcroit, sur un autre compte avait été déposé € 26 millions d’Euros, dédiés aux préparatifs desdits jeux. Finalement, un déblocage qui rompt avec le passé, source d’encouragement pour les équipes que nous avons laissés au CNJF et qui pour le moment sont sous la Direction de l’actuel Directeur National des jeux, Monsieur Isidore Kwandja Ngembo, que je salue chaleureusement et dont j’admire la tenacité et la foi devant l’adversité, des vertus que nous partageons.

ACTU7 : Vous avez été désigné Haut représentant du Chef de l’État au Comité national des 9e jeux de la Francophonie de Kinshasa en février 2021. 10 mois après, plusieurs médias ont annoncé votre destitution pour notamment malversation financière. Quelle est votre réaction à ce sujet?

DT : Les medias qui ont annoncés cela ont été contredits par les déclarations officielles du Ministre des Finances lors de sa conférence de presse conjointe en compagnie du Ministre du Budget et de Madame la Gouverneur de la Banque Centrale du Congo. Le Ministre Nicolas Kazadi a bien martelé qu’il s’agissait d’un premier décaissement pour les 9es jeux de la francophonie; décaissement qui a eu lieu 2 mois après ma sortie et celle de la Direction des jeux avec laquelle je travaillais.
Comme c’est le cas, parler de malversation financière de ma part dénoterait soit de la mauvaise foi, soit d’un harcèlement ou même de la diffamation, qui dit en passant, est passible de poursuites judiciaires dans un État de droit, comme aujourd’hui l’est la RDC.
Si cela malversation financière il y avait eu, l’Inspection Générale des Finances (IGF) serait déjà actionnée, ce que heureusement ici ne sera pas le cas, n’en déplaise à mes détracteurs.

Par contre, pour la bonne gestion, les arriérés de salaires des membres de la Direction des jeux sortante ainsi que leurs indemnités de sorties ne sont à ce jour toujours pas réglés; cela ne correspond pas aux valeurs prônées par la francophonie ni aux lois de la RDC. Nous osons croire que maintenant que les finances pour le fonctionnement du Comité National des 9es Jeux de la francophonie viennent d’être débloquées, une régularisation de cette situation compromettante s’ensuivra afin d’apaiser les personnes, qui se sont dévoués à ce projet et qui au prix du sacrifice, de l’abgénation, de leur labeur et même de leurs finances privées, ont tant bien que mal réussi à contribuer au maintien de l’organisation des 9es jeux de la francophonie en RDC.
L’article 56 de la Constitution de la RDC évoque dans ce faire un fait infracteur érigé en pillage.

ACTU7 : Certaines personnes disent que c’est à cause de votre « mégestion » qu’aujourd’hui, les contrats sont renégociés, notamment ceux liés à la construction de certaines infrastructures ?

DT : À la demande du Chef de l’État, 2 (deux) Commissions avaient été instituées, sous la supervision et l’arbitrage du Premier Ministre, Monsieur Sama Lukonde. L’une de ces commissions portait sur les infrastructures et le processus de passation des marches. Cette commission, présidée par le Ministre d’État, Ministre des ITPR et composée de divers experts dont ceux du Comité National des jeux, avait pour objectif d’éplucher tous les aspects liés aux infrastructures. À l’issu d’un travail harmonieux fait avec assiduité et professionalisme, un rapport a été élaboré et son rendu remit à la plus haute autorité de la République par le biais du Premier Ministre. De ce travail, il en ressorti que, toutes les procédures légales de passation des marchés avaient été respectées par le CNJF et se conformaient aux lois de la RDC sur la passation des marchés publiques. Tous les contrats avec les constructeurs prestataires avaient reçus des Avis de Non-Objection de la Direction Générale de Contrôle des Marchés Publiques (DGCMP), seule Institution de la RDC,mandatée à conduire cette procédure. Les experts du Ministères des ITPR ont estimés que les coûts des travaux pouvaient être revus à la baisse sur base de barèmes de coûts du marché en leur possession et que le rabais résulterait sur une économie de près de $48 millions sur le budget des infrastructures, tel que présenté par le CNJF. Il était donc question de renégocier les coûts avec les constructeurs prestataires. Ce n’est donc pas une surprise pour moi que ces négociations aient eu lieu; seulement, elles se sont faites après la sortie de notre equipe. Nous nous réjouissons d’apprendre qu’elles ont été conclusives et ont débouchées sur un accord; mais encore plus sur le fait que la grande majorité des constructeurs prestataires que nous avions retenus soient restés les mêmes car, non seulement ils le méritent bien pour le sacrifice qu’ils ont consentis pour la RDC, mais cela confirme que notre sélection des prestataires issus de la passation des marches a fait écho avec le Gouvernement, facilitant ainsi le travail de l’actuelle Direction du CNJF.
Quant à ceux qui se sont vus résiliés des contrats à l’amiable, cela se doit au fait que, les ouvrages qu’ils avaient remportés dans la procédure de passation des marchés, ont été remplacés par l’option du préfabriqué importé. L’une des sociétés dont le contrat a été résilié, figurait sur les apports de la commission des infrastructures quasi en conformité avec les prix alignés dans le barème employé par le Ministère des ITPR; ce n’était donc pas une question de mégestion, mais à mon humble avis plus une logique de rationalisation du budget des 9es jeux de la francophonie par le CNJF face aux ressources financières disponibles dans le Trésor Publique et aux options de projets différents apportées au Chef de l’État, tel que celui des préfabriqués importés.

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ACTU7 : Que répondez-vous à ceux qui disent que Didier Tshiyoyo n’a pas de parcours et qu’il « était tombé comme un cheveu dans la soupe » au comité d’organisation des 9es jeux de la francophonie?

DT : Je ne répond rien car, quand j’ai embrassé ce projet par conviction et je ne me suis pas assigné comme mission d’éclairer la lanterne de ceux qui prétendent comprendre mon cursus professionnel.
Personne ne peut affirmer être un spécialiste en tout, sauf bien sûr nos fameux “nionsologues” (rires);
je sais que j’ai des points forts, mais reconnais aussi mes points faibles; ainsi je m’améliore tous les jours un petit peu plus comme homme et comme professionnel. Pour un projet d’envergure comme celui des jeux de la francophonie, tout bon gestionnaire s’assure de d’abord s’entourer des meilleurs dans la matière, et je suis convaincu que c’est exactement ce que j’ai fait.

ACTU7 : Dans un rapport consulté par Africa Intelligence, l’Organisation internationale de la francophonie s’est alarmé du retard pris par Kinshasa dans les préparatifs des jeux, qui doivent avoir lieu dans la capitale congolaise en août 2022. Le rapport évoque notamment des dépenses « non justifiées » ainsi « qu’un manque de transparence » dans la gestion des fonds. Qu’en dites vous ?

DT : Pour ce qui est du retard, j’ai déjà abordé ce point dans mes réponses précédentes; quant à ce qui est de ce présumé rapport de Africa Intelligent, je n’en ai pas connaissance, cependant s’il existait, je doute de son contenu comme tel parce que, l’OIF est constamment en contact avec les officiels du Gouvernement de la RDC à tout les niveaux et, en connaissance des faits évoqués, ils n’aurait pu s’agir d’une question de gestion de fonds, mais plutôt d’investissement et déblocage des fonds pour les préparatifs en vu de l’organisation des 9es jeux de la francophonie à Kinshasa en Août 2022.

ACTU7 : En des termes clairs, les congolais veulent savoir pourquoi avez-vous été écartés de l’organisation des jeux de la francophonie ?

DT : Il n’y a rien de plus clair que les termes contenus dans la Constitution de la RDC pour vous répondre.
Dans l’article 5 de la Constitution, il est stipulé que la souveraineté nationale appartient au peuple, que le pouvoir émane du peuple qui l’exerce par la voie de ses représentants, aucune fraction du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice.
Plus loin dans l’article 69, il est dit que le Président de la République est le chef de l’État, il représente la nation, il veille au respect de la Constitution, il est le garant du respect des traités et accords internationaux.
Article 79, le Président Statue par voie d’ordonnance.
Article 81, alinéa 4, Le Président nomme et révoque de leurs fonctions les hauts fonctionnaires de l’administration publique.
Article 62, il est écrit que nul n’est censé ignorer la loi, toute personne est tenue de respecter la Constitution et de se conformer aux lois de la République.

Le 22 Octobre 2021, une ordonnance présidentielle a été promulguée mettant en place une nouvelle équipe de gestion au CNJF; tout le monde s’y est conformé sans poser de questions, moi y compris.

ACTU7 : Une dernière question, certains congolais se disent déçus du comportement qu’affichent plusieurs congolais de la diaspora autour du chef de l’État Félix Tshisekedi. Partagez-vous cet avis ?

DT : Il est seulement logique que ni la diaspora Congolaise, ni l’entourage du Chef de l’État ne détiennent à eux seuls le monopole de savoir causer de la déception, c’est juste un fait inhérent à tout être humain, même ceux qui vivent en RDC. J’aime citer la Constitution, et dans l’Article 66, il est dit que “Tout Congolais a le devoir de respecter et de traiter ses concitoyens sans discrimination aucune et d’entretenir avec eux des relations qui permettent de sauvegarder, de promouvoir et de renforcer l’unité nationale, le respect et la tolérance réciproque. Il a en outre de renforcer la solidarité nationale singulièrement lorsque celle-ci est menacée.”
Nous les Congolais, devons favoriser cet esprit de la Constitution et nous tenir la main, nous encourager et travailler ensemble pour ce magnifique pays que nous partageons afin d’y créer le bien vivre et la prospérité qui brille loin au-delà de nos frontières nationales, c’est celle-là la vision du Chef de l’État, et comme vous le demandiez, c’est cette vision là que je partage.

Une bonne année et meilleurs voeux à tous mes compatriotes, que Dieu bénisse la République Démocratique du Congo.

Interview réalisée par Jeff Kaleb Hobiang

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