RDC : Le système de traçabilité des droits d’accises adopté par la DGDA et validé par le Gouvernement, en proie à l’hostilité des partisans de la maffia et adeptes du régime déclaratif (tribune)

Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo, à l’instar d’autres Gouvernements du monde est à l’ère du système de traçabilité des droits d’accises. La Direction Générale des Douanes et Accises, (DGDA), ne fait pas exception à cette règle. La DGDA qui, pour rappel, a dans ses prérogatives conformément aux articles 4 et 5 du Décret n°09/43 du 3 décembre 2009, notamment comme missions :

– Une mission fiscale : La perception des droits, taxes et redevances à caractère douanier et fiscal ainsi que l’exportation des marchandises de toute nature soit encore de la cession des produits d’accises ;

Mission économique : La facilitation du commerce extérieur, la protection de la production nationale, l’accompagnement des extérieurs et l’élaboration des statistiques du commerce ;


Mission de lutte contre la fraude et d’application des législations connexes : Elle se rapporte au contrôle, à la recherche, à la constatation et à la répression des infractions.

En RDC, la mission de lutte contre la fraude en matière des droits d’accises dispose des soubassements légaux suivants :

– Le Code des Accises ;
– le Décret portant ; mesures d’application du Code des Accises ;
– l’Arrêté Ministériel portant mesures d’application du Code des Accises ;
– l’Arrêté Ministériel portant monitorage des services des télécommunications ;
– la décision du Directeur Général des Douanes et Accises portant mesures d’application du Code des Douanes et Accises ;
– l’Instruction du Directeur Général des Douanes et Accises relative au marquage des marchandises autres que le cigarettes et au monitorage des services de télécommunications.

C’est le lieu de rappeler que la DGDA a conclu avec la société suisse SICPA SA, leader mondial dans le domaine d’encres de sécurité, depuis le 4 février 2020, une Convention de prestation et des solutions et des services relatifs au « système de suivi sécurisé et de traçabilité des produits services soumis aux droits d’accises ».

Cette expertise est à la base d’une solution dénommée Système de Traçabilité des Droits d’Accises (STDA), qui présente plusieurs avantages à la fois pour le Gouvernement et pour les consommateurs.

Le STDA consiste, notamment, en l’apposition de marques fiscales sécurisées (réputées infalsifiables) contenant des informations légales sur chaque produit unitaire telles que :

– L’origine du produit ;
– La date et le site de fabrication ;
– La date de péremption…

Du point de vue du Gouvernement congolais le STDA permet aux Services de l’Etat :

– De certifier les niveaux réels de production usine par usine ;
– De mettre un terme au régime déclaratif y compris la fraude inhérente à ce régime ;
– De mieux calculer et appliquer la bonne taxation et de faciliter les prélèvements des recettes conformes à la production réelle de chaque unité de production ;
– D’anticiper et d’établir des provisions en termes de recettes ;
– D’augmenter sensiblement la part des Douanes et Accises au Produit Intérieur Brut du Pays ;
– De lutter contre le blanchiment des capitaux et les financements occultes des réseaux criminels…

Du point de vue du consommateur, le STDA permet :

– De veiller au bien-être des consommateurs ;
– De lutter contre la consommation des boissons et produits frelatés ;
– Rassurer sur l’origine et la traçabilité des boissons et autres produits consommés ;
– De payer au prix juste les boissons et autres produits consommés ;
– De favoriser le civisme fiscal…

Déjà actifs dans plusieurs autres pays à travers le monde, le STDA est aussi d’application en Afrique. Les Gouvernements des pays tels que le Kenya, l’Ouganda et la Tanzanie l’ont déjà expérimenté, au regard de l’augmentation sensible des performances enregistrées notamment en termes des revenus des droits de douanes et accises.

Cependant, en RDC, les adaptes historiques du statu quo multiplient les écueils contre l’amélioration des recettes publiques au risque de compromettre l’exécution de certains engagements officiels du Gouvernement pris à l’international, notamment avec des institutions telles que le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale qui encouragent très vivement, l’implémentation des solutions de type STDA.

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Il sied également de rappeler ici que le programme du Gouvernement pour 2021-2023, publié en 2021, considère l’implémentation du STDA comme repère structurel que le Gouvernement de la République s’est formellement engagé auprès du FMI, dans le cadre de l’accord de Facilité Élargie de crédit, à mettre en œuvre.

La Justice congolaise a tranché en faveur de l’implémentation du STDA

Après la signature le 4 février 2020 de la convention en faveur de l’implémentation du STDA, la société partenaire SICPA SA a investi plusieurs dizaines de millions de USD en vue de concevoir et d’adapter une solution spécifique et adaptée à la fois à la DGDA ainsi qu’aux spécificités du marché de la RDC. Tout comme d’autres millions de dollars ont été engagés pour :

– L’achat des équipements de marquage ;
– L’installation d’une infrastructure informatique et centre de données de pointe (Data Center) ;
– La location des bureaux, des entrepôts et des véhicules ;
– Le recrutement local de plus de 100 personnes, engagées localement par le relai de SICPA SA conformément au contrat signé avec la DGDA, pour assurer les opérations locales.

Selon les termes de la convention signée, dans les six mois suivant la signature, le STDA aurait dû commencer avec dans une première phase, le marquage des boissons et le monitorage des revenus liés aux activités des opérateurs télécoms. Dans une seconde phase, le STDA devait passer au marquage du tabac, des cosmétiques et du carburant. En dépit d’inlassables efforts pédagogiques et du souci permanent en faveur du consensus dont a pourtant fait preuve la DGDA qui a notamment consenti le coût convenu soit dans la droite lignée des Fédérations des Entreprises Congolaises, FEC a multiplié les écueils y compris en multipliant les initiatives en Justice, contre l’instauration de STDA.

Le 23 juillet 2021, le Conseil d’Etat a rendu une décision en faveur de l’Etat congolais, permettant ainsi à la DGDA de relancer l’implémentation du STDA. La FEC est repassée à l’offensive, cette fois-ci, à travers sa correspondance portant références CAB/MIN/FIN/ BG/MMC/2021/1467 du 13 août FEC» en sollicitant l’implication du Ministre en charge des Finances, en faveur d’un dialogue. Le Ministre accédera à cette demande, en instaurant une Commission au sein de laquelle ont siégé les délégués de la FEC aux côtés des cadres de la DGDA, avec comme principal objectif poursuivi : « le succès de la mise en forme de la réforme ».

Au terme des travaux de ladite Commission, le Ministre des Finances a signé un Arrêté Ministériel portant sur les mesures d’application de l’ordonndance de mise en service du marquage sécurisé au 3 janvier 2022 pour tous les produits d’accises importés et fabriqués.

Les sociétés brassicoles produisent et commercialisent donc leurs produits dans l’illégalité, depuis le début de l’année. Cet arrêté aurait, à son tour, fait l’objet d’un recours gracieux par la FEC et d’une requête en annulation des équipements dicté par la loi et le STDA des performances éloquentes.

Pour le secteur des télécoms (tous les opérateurs confondus)

Recensé comme étant le plus gros contribuable accisien du pays, l’augmentation des recettes, s’élève à
21,83 % rien que pour le premier semestre 2022, soit une progression des recettes de 45% sur la période considérée, alors que le monitorage des droit doit progressivement se mettre en place.

D’autre part, un manque à gagner notable pour le compte du trésor public congolais et probablement, une voie d’évasion fiscale. En ce qui concerne le secteur du tabac, sur une période de 6 mois, il a été enregistré de timbres de tabac pour un volume avoisinant 80% d’avant la réforme, ce qui indique que le STDA va faciliter le doublement des recettes d’accises des opérateurs du secteur qui auparavant œuvraient et consacraient la pertinence du STDA que le Premier Ministre n’a pas manqué de mettre en exergue, lors de la présentation cette semaine du projet de loi des finances 2023.

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En dépit de ces prouesses qui sont de nature à propulser les capacités de mobilisation des recettes, la République Démocratique du Congo vient d’améliorer sensiblement sa côte auprès des bailleurs internationaux ainsi que des Institutions de Bretton Woods, il est extriqué l’attitude du front contre le STDA par des partisans du statu quo dont les initiatives et attitudes sont similaires à une rébellion contre la Republique Démocratique du Congo.

«La FEC fait de la résistance»

Le Ministre des Finances a signé l’Arrêté Ministériel N°CAB/ MIN.FINANCES/2021/018 du 26 novembre 2021 portant sur les mesures d’application, dans lequel il a pris en compte l’essentiel pourtant soulevées par la FEC et a décidé du lancement de la mise en œuvre de la STDA au 03 janvier 2022.

La FEC a écrit un recours gracieux au mois de février 2022 et certains opérateurs ont vainement saisi le Conseil d’Etat pour contester certains aspects de cet arrêté. En date du 23 décembre 2021, le Ministre des Finances a communiqué à la FEC les conclusions de la ComA pour la bonne mise en œuvre du STDA. La nouvelle Direction Générale de la DGDA a confirmé les ordres de service devant permettre les démarches à partir du 18 janvier 2022, à deux reprises refusées de les recevoir. Les opérateurs se sont montrés discourtois en empêchant les agents de l’administration des douanes.

Face au refus d’exercice et en vertu des pouvoirs de contrainte lui conférés par la loi, la DGDA a dû s’adreser aux opérateurs du secteur brassicoles. La DGDA a en effet décidé dans un second temps et sans aucune explication, de classer sans suite les contentieux. Narguant le Gouvernement, la Justice et la DGDA, la FEC a publié le 02 novembre 2022 un communiqué de presse intitulé : « Dénonciation de l’installation forcée du STDA sans les usines », à travers lequel elle fustige l’appui d’Agents de l’Agence Nationale de Renseignements, et condamne les incidents qui auraient émaillé le début de ces missions (interpellation, confiscation…) tout en clamant que l’implémentation du STDA au moment où la République Démocratique du Congo toute entière fait face à une rébellion ourdie depuis l’étranger, il convient également de dénoncer la « FEC » y compris ses alliés de circonstance.

Il sied également de dénoncer avec la dernière énergie, et de rappeler les pratiques des sociétés brassicoles, notamment :

– Bralima qui, au plus fort de la guerre d’agression qui a conduit le mouvement rebelle RCD-Goma activement soutenu par le Rwanda, à occuper la Province du Sud-Kivu de 1998 à 2003, Bralima SA avait levé l’option de collaborer et de soutenir les rebelles, en payant l’impôt comme effort de guerre ;

– Bracongo SA, membre de l’empire Castel, est passé maître des stratégies d’évitement afin de contourner l’impôt. Les marques Beaufort – XXL – Castel Beer tant prisées en République Démocratique du Congo, sont domiciliées aux îles vierges.

Leaders de l’industrie brassicole dotée d’une expérience internationale, ces deux groupes historiques eux qui les ont rejoints dans le secteur adoptent une attitude qui s’apparente à une rébellion interne qui, sans prendre les armes contre la République, s’oppose à un contrôle légal.

Si la FEC est essentiellement composée de dignes fils et filles du pays, il est cependant vrai que l’industrie brassicole est dirigée par des expatriés. Plutôt que d’adopter une attitude similaire à l’avocat du diable, la FEC ferait œuvre utile à la Nation congolaise en encadrant les expatriés dans le respect des lois nationales comme c’est le cas ailleurs. Sinon, que ses affiliés refusent de déférer à l’exécution de tout intérêt à ne pas entretenir des zones d’ombres.

JP Kabongo, Consultant

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